Le 9 décembre 2022, l’arrêté royal du 29 novembre 2022 relatif à l’octroi d’une avance dans le cadre des marchés publics en raison de la situation économique consécutive à la guerre en Ukraine a été publié au Moniteur belge. En effet, les conséquences du conflit en Ukraine sont considérables et beaucoup d’entrepreneurs connaissent des problèmes de liquidités en conséquence. Cela n’a pas échappé non plus aux responsables politiques fédéraux. Après que le Bureau d’aide et de politique des services publics fédéraux (BOSA) a publié en mai dernier des recommandations sur les clauses de révision de prix en cas de circonstances imprévisibles (Significant price rises in current and future contracts: the Federal Public Service for Policy and Support (BOSA) published recommendations – Tender Law), le gouvernement fédéral veut maintenant offrir un soutien temporaire aux entrepreneurs qui souffrent de la situation économique extrême via cet AR. Après tout, des entreprises financièrement saines assurent la continuité du service public et renforcent l’ordre économique.
Portée et objectif du nouveau AR
L’AR lui-même s’applique à tous les marchés publics des secteurs classiques et spéciaux ainsi qu’à ceux du domaine de la défense et de la sécurité. Elle ne s’applique pas aux concessions car celles-ci se caractérisent par un transfert du risque d’exploitation et impliquent souvent aussi que le concessionnaire obtienne une rémunération de l’utilisateur pour ces contrats.
Concrètement, l’AR vise à réduire les problèmes de liquidités des contractants en accordant exceptionnellement une avance par contrat. Dans des circonstances normales, le versement d’une avance est soumis à des conditions strictes. En effet, le principe d’un paiement après une prestation « fournie et acceptée », c’est-à-dire un paiement à terme échu, est l’un des principes de base des marchés publics. Cet AR s’en éloigne maintenant temporairement.
Dans le rapport au Roi accompagnant cet AR, le gouvernement fédéral lance en tout cas un appel particulièrement chaleureux aux adjudicateurs pour qu’ils accordent une avance « lorsque cela est approprié et possible ». Les acheteurs sont même « incités » à le faire et, toujours selon le gouvernement fédéral, devraient faire preuve de « compréhension ». Par de telles exhortations, le régulateur semble vouloir éviter que l’AR reste lettre morte. Cela explique peut-être aussi l’obligation pour les acheteurs d’indiquer (obligatoirement) dans les documents d’appel d’offres des marchés à lancer s’ils souhaitent ou non accorder une présélection.
Taille de l’avance
Les dispositions de l’AR permettent d’accorder une avance unique au contractant pour tous les contrats, y compris ceux en cours, ceux déjà lancés et ceux qui doivent encore être lancés. Cet acompte ne dépassera pas 20 % du montant initial du contrat, TVA comprise. Le pouvoir adjudicateur est libre de déterminer l’avance à accorder, sans toutefois dépasser le montant maximal.
Les possibilités et le calcul concret du montant maximal dépendent largement de la durée :
- L’AR ne s’applique pas dans le cadre des contrats d’une durée inférieure à 2 mois ;
- Pour les contrats d’une durée inférieure ou égale à 12 mois, une avance pouvant atteindre 20 % du montant initial du contrat, TVA comprise, peut être accordée ;
- Pour les commandes d’une durée supérieure à 12 mois, le montant maximal de l’acompte est calculé en multipliant par 12 le montant initial de la commande, TVA comprise, puis en le divisant par la durée de la commande exprimée en mois ;
- Pour les commandes à durée indéterminée, il faut multiplier par douze le montant mensuel initial de la commande, TVA comprise, pour obtenir le montant maximal de l’acompte ;
- Les marchés à durée indéterminée passés sur la base d’un prix global peuvent accorder une avance allant jusqu’à 20 % de ce prix global, TVA comprise.
Comment l’avance peut-elle être accordée ?
La procédure d’octroi de cette avance diffère selon que le contrat est déjà en cours d’exécution, a déjà été lancé ou doit encore être lancé le jour de l’entrée en vigueur de l’AR, c’est-à-dire le lundi 19 décembre 2022.
Dans le cadre des marchés déjà en cours d’exécution ou déjà lancés, le contractant adressera au pouvoir adjudicateur une demande écrite, datée et signée de réception d’une avance. Cette demande contiendra tous les éléments nécessaires pour effectuer le paiement, sauf si l’acheteur en dispose déjà.
Pour les marchés qui n’ont pas encore été lancés, l’AR exige que le pouvoir adjudicateur indique dans les documents d’appel d’offres s’il accordera ou non une avance. Toutefois, si le dossier d’appel d’offres est silencieux sur ce point, aucun paiement anticipé ne sera accordé. Lorsqu’un pouvoir adjudicateur décide d’accorder une avance, il doit également indiquer dans le dossier d’appel d’offres le taux et les modalités de remboursement.
Si un pouvoir adjudicateur décide d’accorder une avance, il est tenu de la verser dans les 30 jours suivant la décision d’approbation ou après la conclusion du nouveau contrat. Tout retard de paiement donnera lieu à l’application d’intérêts de retard et d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement qui est due de plein droit. En plus de cette somme forfaitaire, le contractant peut, pour le même contrat, demander une compensation raisonnable pour tous les frais de recouvrement encourus en raison du retard de paiement.
Toutefois, le paiement de l’avance peut être suspendu si le contractant ne respecte pas ses obligations contractuelles ou s’il commet des violations du droit environnemental, social ou du travail.
Remboursement de l’avance
Le remboursement de l’avance est imputé sur les sommes dues au contractant, au taux et selon les modalités prévus dans les documents de commande. Lorsque les documents de commande ne le prévoient pas, ce qui sera notamment le cas pour les marchés en cours et déjà lancés, la première moitié sera remboursée lorsque 30 % du montant initial de la commande aura été exécuté. L’autre moitié sera ensuite remboursée lorsque 60 % auront déjà été exécutés. Tous ces montants incluent la TVA.
Dans le cadre du remboursement de l’avance, il est important que le pouvoir adjudicateur dispose de tous les éléments nécessaires pour effectuer le paiement de cette avance. A moins que le pouvoir adjudicateur n’en dispose déjà, le contractant devra inclure ces informations soit dans sa demande écrite, soit dans son offre, selon le cas.
Effet temporaire jusqu’au 31 décembre 2023
Comme déjà mentionné dans l’introduction, l’AR impose un régime temporaire. En effet, ce régime expirera le 31 décembre 2023 pour les marchés publics qui n’auront pas encore fait l’objet d’une publicité à cette date ou pour lesquels les appels d’offres ou les demandes de participation n’auront pas encore été lancés.
Il n’est pas certain que le régime dans l’AR sera prolonger s’il s’avère qu’au 31 décembre 2023, la situation économique actuelle, exceptionnelle, ne s’est pas encore stabilisée.
Pour toutes vos questions à ce sujet, ainsi que pour toute question concernant les marchés publics, vous pouvez toujours contacter nos collègues de Tender Law.